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La Maison du Geste et de l'Image invite Eric Aupol à poursuivre en résidence son projet initié à Sarlat en 2003 autour de l’esthétique Baroque. La mise en chantier imminente du Forum des Halles détermine le choix de son périmètre photographique: le centre de Paris. Ce ventre permettant toutes les explorations souterraines, ouvre sur les résurgences essentielles de son approche photographique: la tension, le fragment et le pli.

Suivant les matrices analytiques de l'historien d'art Aby Warburg, le parcours photographique d’Éric Aupol décrit une trajectoire diagonale qui prend sa source au sein du paysage urbain contemporain et rallie sa chute (ou son origine), via les phases de mutation ou de décomposition.

Cette archéologie fantasmée est renforcée par l'assemblage d'images . Comme dans l'arabesque baroque, chaque élément est centre, pivot et partie du tout. Depuis l'ouverture intérieure, cœur palpitant du corps et de la ville, le regard chemine sur les drapés sidérurgiques, véritables organes urbains, vers les zones épidermiques, cellules mortes, corps figés dans le marbre, astres sans éclat.

La notion d'histoire n'est pas abordée dans la linéarité mais plutôt dans la permanence d'un mouvement, alternance d'apparitions et de disparitions, qui situent sur un même plan avant, après et pendant. Ce mouvement s'associe à la représentation de fragments d’œuvres mineures, « formes misérables » de l’histoire de l'art, dont l'émergence est liée à la chute d'un drapé. La séance de prise de vues semble consister à extraire le corps photographique du pli de temps où il était enfermé. Rituel d'une lenteur extrême, elle s’inscrit dans l'image, lui conférant une densité, une épaisseur tragique.

Ces lieux de transit sont des réceptacles. Le temps étiré de la prise de vue, de la pellicule périmée, les habite comme dans les interminables plans séquence d’Andreï Tarkovski. C’est bien à son Stalker que l’on pense, dans ces caveaux ulcérés d’ombres ou de jours laiteux.

Le format, le cadre rigoureux soulignent encore l’abstraction du traitement et confère à l’espace photographique son unité de temps, son autonomie, son statut d’image mentale.

Paul Marie Gaire
Catalogue du Mois Européen de la Photographie, Paris, 2004
Exposition « Paris Les Halles », Maison du Geste et de l’Image, Paris


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Paris - Les Halles

The Maison du Geste et de l'Image invites Eric Aupol to continue in residence his project initiated in Sarlat in 2003 on the Baroque aesthetics. The imminent housing start of the Forum des Halles determines the choice of his photographic perimeter: the center of Paris. This center allowing all underground explorations, opens on essential resurgences of his photographic approach: the tension, the fragment and the fold.

Following the analytical matrices of art historian Aby Warburg, Eric Aupol's photographic path describes a diagonal trajectory that originates in the contemporary urban landscape and rallies its fall (or its origin), via the mutation or decomposition phases.

This fantasized archeology is reinforced by images stitching. As in the baroque arabesque, each element is center, pivot and part of the whole. From the inner opening, beating heart of the body and the city, the sight progresses on steel draperies, real urban organs, toward epidermic areas, dead cells, bodies frozen in marble, dull stars.

The notion of history is not broached in the linearity but rather in the permanence of a movement, alternation of appearances and disappearances, that put at the same level before, after and during. This movement is associated to the fragments representation of minor works, "miserable forms" of art history, whose emergence is linked to the fall of a drapery. The shooting session seems to consist in extracting the photographic body of the fold of time where it was confined. Extremely slow ritual, it is inscribed in the image, conferring it a density, a tragic thickness.

These places of transit are receptacles. The stretched time of the shooting, of the expired film, inhabits them as in Andrei Tarkovsky's endless sequence shots. We think about his Stalker indeed, in these vaults slashed of shadows or milky days.
The format, the rigorous framework, emphasize further the abstraction of the treatment and confer to the photographic space its unit of time, its autonomy, its status of mental image. 

Paul Marie Gaire
Catalog of the European Month of Photography, Paris, 2004
Exposition "Paris Les Halles", Maison du Geste et de l'Image, Paris